Géographe et anarchiste, père de l'école française de géographie.
Élisée est le plus connu des cinq frères de par l’importance de son œuvre de géographe. Lui aussi est né à Sainte-Foy, mais n’a rejoint ses parents à Orthez qu’après quelques années à La Roche-Chalais chez ses grands-parents. Il a fait ses études secondaires à Neuwied et au collège protestant de Sainte-Foy, puis suivi quelques cours de géographie du professeur Ritter à Berlin. Il revient à Strasbourg retrouver Elie et les deux frères rentrent à pied jusqu’à Orthez d’où bientôt ils vont devoir fuir à cause de leur opposition au coup d’Etat du 2 décembre 1851. Si Elie reste en Irlande, Élisée part bientôt pour l’Amérique où, avant d’être, un temps, précepteur chez un planteur en Louisiane, il fera tous les métiers. De ces quatre années passées en Amérique, il rapportera la matière de nombreux articles pour la Revue des Deux Mondes, sur le système esclavagiste des Etats-Unis et sur les paysages tropicaux de la Colombie. Rentré en France en 1857, il se marie l’année suivante avec Clarisse Brian, une jeune fille de Sainte-Foy, fille d’un capitaine au long cours et d’une Sénégalaise peule. Le jeune ménage va vivre à Paris avec celui d’Élie. Les deux fils d’Élie et les deux filles d’Élisée seront élevés ensemble. Bientôt commence la collaboration d’Élisée avec la maison Hachette, d’abord pour les Guides Joanne, puis pour la publication des grands ouvrages : en 1869, La Terre. Description des phénomènes de la vie du globe. Et l’année suivante : L’Océan. L’atmosphère. La vie. C’est aussi en 1869 que paraît, chez Hetzel, ce texte merveilleux, poétique et savant, Histoire d’un ruisseau, auquel succèdera l'Histoire d'une montagne en 1880, ces deux ouvrages très didactiques etaient destinés aux enfants et aux adolescents. La guerre de 1870-71, puis la Commune interrompent un temps l’activité scientifique d’Elisée qui, pris les armes à la main, est emprisonné dans divers forts avant d’être banni de France. Il n’est pas déporté en Nouvelle-Calédonie grâce à des pétitions de savants anglo-saxons. Il doit s’exiler en Suisse et ne reviendra en France qu’avec l’amnistie totale de 1880. À partir de 1876 et jusqu’en 1894 paraissent chez Hachette les 19 volumes de son œuvre monumentale, La Nouvelle Géographie universelle.
Bien que non universitaire, il s’impose aujourd’hui comme le créateur de la science géographique française. S’il a été longtemps occulté et que d’autres noms, comme Vidal de la Blache, ont été mis en avant, c’est parce que pour Elisée la géographie est une science engagée, non aseptisée et pas seulement descriptive. À la géographie de cet ancien communard anarchiste, l’Université de la IIIe République avait préféré celle des conservateurs qui centraient leurs études sur les paysages et les genres de vie. Pour Élisée Reclus, la géographie doit être un moyen de comprendre le monde, un instrument de connaissance pour former des citoyens conscients et actifs. Il est considéré aujourd’hui comme le fondateur de la géopolitique. Certes dans La Nouvelle Géographie universelle, Hachette lui avait demandé de ne pas exprimer ses opinions personnelles, mais celles-ci ne sont pas pour autant absentes et se retrouvent au détour d’un paragraphe. En revanche, dans L'Homme et la Terre (six volumes, en partie posthumes, 1905-1908), il a pu exposer librement ses pensées, ce que traduisent d’ailleurs les têtes de chapitre. C’est cette modernité d’Élisée Reclus, cette unicité de la géographie à la fois physique, humaine, sociale et donc politique, que défend aujourd’hui l’école géographique menée par la revue Hérodote, ou qui se retrouve dans une émission comme Le dessous des cartes.
Si Élisée Reclus est aussi revendiqué par certains écologistes, comme le premier d’entre eux, il ne faut cependant pas commettre d’anachronisme ou l’annexer parce qu’il était végétarien et qu’il admirait et respectait la nature. Ses positions ne sont pas figées. Ce qu’il défend, c’est un aménagement conscient de l’environnement pour le bien de l’humanité, sans destructions ni massacres inutiles d’animaux, sans gaspillage. A ces œuvres géographiques, on peut ajouter de nombreuses publications politiques comme « Pourquoi nous sommes anarchistes », des préfaces aux Mémoires de Pierre Kropotkine, et un très grand nombre d’articles. Élisée a plus été une « grande conscience » de l’anarchie qu’un dirigeant ou un doctrinaire, même s’il a été lié à Bakounine, qu’il a participé aux différentes rencontres de la Première Internationale et qu’il y a prononcé des discours, tout comme au congrès de la Ligue de la Paix et de la Liberté à Berne (1868). Néanmoins, au moment où les attentats anarchistes ont secoué l’Europe, c’est cette réputation qui a fait renoncer l’Université libre (i.e. laïque) de Bruxelles de lui donner le poste de professeur promis.