Le 27 janvier prochain aura lieu notre traditionnelle assemblée générale.
Nous nous retrouverons au temple des Briands à Saint Avit saint nazaire à partir de 14h00 pour vous recueillir vos adhésions.
Ce sera l'occasion de vous présenter le nouveau bulletin 2024.
L'assemblée sera suivie à 16h d'une conférence de l'historienne Gabrielle Cadier, consacrée aux 6 soeurs Reclus.
Vous pouvez découvrir ci-dessous un extrait de sa conférence et nous aurons bien sûr plaisir à vous accueillir pour écouter la suite.
La vie familiale
Les frères partirent tôt du foyer paternel, ne serait-ce que pour faire leurs études chez les Frères Moraves, en Allemagne, puis à SainteFoy. Mais les sœurs le quittèrent souvent aussi pour aller à l’étranger (enseigner ou suivre des cours) avant de se marier. Certaines, comme Zéline, (et Suzanne morte à vingt ans, avant elle) ont été entièrement élevées par leurs oncle et tante Chaucherie, qui n’avaient pas d’enfants et se sont beaucoup occupés de leurs neveux, notamment des garçons quand ils étaient élèves au Collège protestant de SainteFoy. M. Chaucherie était notaire à Sainte-Foy et son épouse une sœur de Mme Reclus. Au fil des correspondances, on peut essayer de distinguer quelques images de la vie à Orthez. Après avoir vécu à Castétarbe où Mme Reclus a déjà ouvert une petite école, la famille s’installe à la Maison Charritte1, grande maison avec jardin et potager, où sont logées les élèves de l’internat et, à partir de 1850, dans les combles, l’Asile de vieillards démunis recueillis par le pasteur Reclus. L’inspecteur de 1854 parle de « l’heureuse disposition des lieux et du jardin ». Cette même année 1854, il y a quarante-deux élèves dont un tiers en internat. C’est une bonne année. Mais quelque temps plus tard, Noémi écrit à Zoé : «L’année dernière et la précédente ont été bien mauvaises, les victuailles bien chères et la bourse fort plate, aussi avons-nous beaucoup perdu et nouer les deux bouts était fort difficile ». Les soucis de Mme Reclus n’étaient pas seulement financiers. Les départs de ses enfants la perturbaient beaucoup. Elisée, le premier, vécut plusieurs années en Amérique. Les lettres qu’il adressait à sa mère mettaient plusieurs mois à arriver et elle répondait par des conseils maternels pour sa santé, alors qu’ils étaient périmés à l’arrivée !
Le départ d’Onésime vers l’Afrique où il pensait faire son service militaire dans les Zouaves, lui coûta de nombreuses larmes, comme le raconte Noémi. Il en fut de même pour Armand :
« Les Reclus sont toujours très occupés et Madame soupire plus que jamais après des nouvelles d’Armand ». « Madame est bien lasse depuis quelque temps, elle est comme brisée, tant d’émotions finissent par l’user. Les dernières nouvelles d’Armand sont excellentes. Il serait heureux, dit-il, si on pouvait jamais l’être loin de sa famille et de sa patrie. Il s’habitue à la nourriture annamite et avale sans sourciller l’eau de poisson pourri dont la fabrication seule est capable de vous soulever le cœur ».
Une autre amie de la famille écrit aussi : « Mme Reclus est inquiète d’Armand, elle ne parle que de lui, ne pense qu’à lui. J’ai vraiment remarqué que Mme Reclus se laisse dominer par une idée. Dans ce cas, elle n’a qu’un enfant ». Elisée, dans les pages qu’il a consacrées à son frère Elie et à leur enfance, témoigne à la fois de l’amour de Mme Reclus pour ses enfants et de sa réserve à leur égard : « A cette époque, la femme du pasteur, mère d’enfants qui se succédaient rapidement, l’institutrice, la ménagère, la vaillante matrone qui disputait sou à sou la vie des siens contre l’âpre destinée, cette noble jeune dame qui eût été si bien faite pour jouir de la belle existence d’un travail soutenu par le bien-être, n’avait même pas le temps de regarder, d’embrasser les enfants auxquels chacune de ses minutes était consacrée. Elle les voyait à peine et ils ne la connurent pas tout d’abord dans la profondeur de sa tendre maternité ».
Sur l’atmosphère qui régnait dans la maison Reclus, nous disposons de deux lettres écrites par Elisée à Elie et qui, bien que proches comme dates, donnent deux visions fort différentes. La première est écrite au retour d’Elisée de ses quatre années d’errance en Amérique. Peut-être est-il venu à Orthez pour annoncer ses fiançailles avec Clarisse Briant à ses parents… Il l’épousera le 14 décembre 1858. « Je ne me suis pas ennuyé pendant ces quinze jours que je viens de passer à Orthez. La vie est tout à fait originale dans la maison paternelle … tout va à vau l’eau, dissidence, religion, morale, les livres circulent avec une complète liberté dans la maison. Maman trouve une de ses filles lisant “Mademoiselle de Maupin” et, sans se douter de rien, feuillette indifféremment ces pages. Une autre fait un cahier de vers et le premier morceau qu’elle y insère est celui d’Alfred de Musset :
“ O Christ, je ne suis pas de ceux que la prière
“Dans ton temple muet amène à pas tremblants.
“ Je ne suis pas de ceux qui vont à ton Calvaire
“ A genoux sur le sol baiser tes pieds sanglants.
Conférence dite à l’occasion des Rencontres Élisée RECLUS à Orthez les 9-11 décembre 2005